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1 mai 2011

Les martyrs de Chicago - Aux origines du 1er Mai

Publié sur http://rebellyon.info/article6235.html

Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d’obtenir la journée de huit heures. Mais d’autres, moins chanceux, au nombre d’environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.

Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse à Haymarket Square, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C’est alors qu’une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police.

Aux origines du 1er mai

Fondée en 1881, l’ancêtre directe de l’AFL [1], la FOTLU [2] ne regroupe que les ouvriers qualifiés (des hommes, blancs et américains de souche) et ne compte que 50 000 adhérents. Mais lors d’un congrès elle décide de mettre au premier plan de ses revendications la journée de huit heures et de retenir la date du 1er mai 1886 pour une manifestation de masse. Commence alors une immense campagne de propagande qui renforce l’organisation. Dès avril 1886, quelques entreprises accordent même à leurs salariés la journée de huit heures sans diminution de salaire : 200 000 travailleurs environ bénéficièrent d’une réduction de travail.

En 1886, les Chevaliers du Travail (fondé en 1868 avec de fortes références maçonniques [3]) rassemble tous les travailleurs au niveau d’une localité, Blancs et Noirs, femmes et hommes, Américains de « souche » et immigrants : ouvriers qualifiés et non, ils représentent plus de 700 000 adhérents. Les adhérents de l’Ordre jouèrent le rôle principal dans la grève du 1er mai 1886, bien que la direction de l’Ordre l’ait condamnée. Les responsables et les militants des Chevaliers du Travail furent les principales victimes de la répression après le massacre de Haymarket, bien que la direction de l’Ordre ait refusé d’intervenir en faveur des condamnés de Chicago. Les Chevaliers du Travail allaient par la suite rapidement péricliter.

L’initiative des ouvriers américains n’aurait eu qu’un faible retentissement dans le pays et à l’étranger sans les événements tragiques de Chicago qui émurent le monde entier.

Sûrs de l’impunité, les milices patronales provoquaient des incidents sanglants. Le 3 mai, des ouvriers qui manife devant l’usine de machines agricoles Mac Cormick, à Chicago sont tirés à bout portant par des détectives privés, la bataille qui s’engage fait de nombreuses victimes. Les grévistes sont principalement d’origine allemande et, dans leur journal « Arbeiter Zeitung » (Journal des Travailleurs) paraît l’appel suivant :

« Esclaves, debout ! La guerre de classes est commencée. Des ouvriers ont été fusillés hier devant l’établissement Mac Cormick. Leur sang crie vengeance. Le doute n’est plus possible. Les bêtes fauves qui nous gouvernent sont avides du sang des travailleurs, mais les travailleurs ne sont pas du bétail d’abattoir. A la terreur blanche, ils répondront par la terreur rouge. Mieux vaut mourir que de vivre dans la misère. Puisqu’on nous mitraille, répondons de manière que nos maîtres en gardent longtemps le souvenir. La situation nous fait un devoir de prendre les armes. »

Dans la soirée du 4 mai, plus de 15 000 ouvriers se rendent sur la place au foin (Haymarket) pour y manifester pacifiquement (il leur avait été commandé de s’y rendre sans armes). Des discours sont prononcés, notamment par Spies, Parsons, Fielden. La foule se retire, quand une centaine de gardes nationaux charge avec violence. Une bombe, lancée on ne sait d’où, tombe au milieu des forces de police en tuant sept et en blessant grièvement une soixantaine. Les autorités procède à des arrestations parmi les meneurs de grévistes et les rédacteurs de l’« Arbeiter Zeintung » : Auguste Spies, né à Hesse (Allemagne), en 1855 ; Samuel Fielden, sujet anglais, né en 1846 ; Oscar Neebe, né à Philadelphie, en 1846 ; Michel Schwab, né à Mannhelm (Allemagne), en 1853 ; Louis Lingg, né en Allemagne, en 1864 ; Adolphe Fischer, né en Allemagne, en 1856 ; Georges Engel, né en Allemagne, en 1835 ; Albert Parsons, Américain, né en 1847.

Le verdict est rendu le 17 mai. Les huit accusés sont condamnés à être pendus. Une mesure de grâce intervint pour Schwab et Fielden, dont la peine est commuée en prison à perpétuité, et de Neebe dont la peine est réduite à quinze ans de prison. Le 11 novembre 1887, les autres sont exécutés, mis à part Lingg qui s’est suicidé.

Six ans plus tard, un nouveau gouverneur de l’Illinois John Altgeld, conclut à l’entière innocence des condamnés : « Une telle férocité n’a pas de précédent dans l’histoire. Je considère comme un devoir dans ces circonstances et pour les raisons ci-dessus exposées, d’agir conformément à ces conclusions et j’ordonne aujourd’hui, 26 juin 1893, qu’on mette en liberté sans condition Samuel Fielden, Oscar Neebe et Michel Schwab ». Spies, Lingg, Engel, Fischer et Parsons sont réhabilités.

L’idée américaine est reprise par les travailleurs des autres pays. En 1889, à Paris, lors d’un congrès international, une proposition demandant « l’organisation d’une grande manifestation internationale en faveur de la réduction des heures de travail qui serait faite à une date fixe, la même pour tous » est adoptée et la date en est celle choisie par les travailleurs américains. Le 1er mai prend alors dans le monde entier la signification d’une journée de revendication des travailleurs face à la société capitaliste.

OLT

La BD est parue dans La Brique n°13 - avril 2009. http://www.labrique.net

Lire aussi sur le sujet Retour sur l’histoire du 1er mai sur le site Hérodote.

- [1] American Federation of Labor (Fédération Américaine du Travail - AFL). 
- [2] Fédération des Métiers Organisés et des Syndicats de Travailleurs. 
- [3] Le Noble and Holy Order of the Knights of Labor (Noble et saint ordre des chevaliers du travail).

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1 mai 2011

Quelles sont les origines du 1° mai ? (Rosa Luxemburg)

L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures[1], est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.

De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.

Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1° mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1° mai 1890.

Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 [2]. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne [3] de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1° mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.

A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1° mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1° mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1° mai devait être une institution annuelle et pérenne.

Le 1° mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1° mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1° mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1° mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.


Notes

[1] L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.

[2] Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.

[3] Raymond Lavigne (1851- ?), militant politique et syndicaliste.

5 décembre 2010

Source Wikileaks (à traduire) FRENCH PRESIDENCY'S READOUT OF SARKOZY'S MARCH 26-27 VISITS

DRC/ROC/NIGER: FRENCH PRESIDENCY'S READOUT OF 
SARKOZY'S MARCH 26-27 VISITS 

REF: A. PARIS 399 
B. KINSHASA 291 
C. BRAZZAVILLE 101 
D. NIAMEY 234 
E. 08 PARIS 1501 
F. 08 PARIS 1568 
G. 08 PARIS 1698 

Classified By: Political Minister-Counselor Kathleen Allegrone, 1.4 (b/ 
d). 

1. (C) SUMMARY: President Sarkozy's March 26-27 visits to 
the Democratic Republic of Congo (DRC), Republic of Congo 
(ROC), and Niger were intended to promote democratic 
principles, shared business interests, and, more generally, 
Sarkozy's policy of moving away from the "France-Afrique" 
model of managing relations to a more modern one based on 
partnership, according to Presidential Deputy Diplomatic 
Advisor Bruno Joubert on April 3. Joubert said that Sarkozy 
had accomplished what he had set out to do and that the 
Africans with whom he met better understood French policy 
toward the region and where Sarkozy wants to take relations, 
even if they were not completely comfortable with the new 
paradigm. On the DRC and Rwanda, Joubert explained that 
France wanted to promote cooperation between the two and 
suggested starting with a number of small economic and 
development projects that would show quick results and 
encourage further cooperation. Joubert said that he planned 
to travel to the U.S. during the April 14-15 period and hoped 
to meet with officials at the Department (AF A/S-Designate 
Carson), NSC (AF Senior Director Gavin), and USUN (PermRep 
Rice). END SUMMARY. 



XXXXXXXXXXXX 

France-Afrique 
-------------- 

4. (C) Rather than provide a narrative of Sarkozy's visit, 
Joubert placed it within the context of France's evolving 
Africa policy and its movement, under Sarkozy, away from the 
classic colonial and post-colonial "France-Afrique" model and 
towards a more modern relationship based on shared interests 
and a partnership among equals (ref E-G). He said that the 
visit, most notably as expressed in Sarkozy's speech before 
the DRC parliament, was an extension of remarks that Sarkozy 
had made in Cape Town in February 2008 on the need for 
rational relationships free of the baggage of the past. 
Joubert said that the new policy faced several challenges, 
one of which he described as a predilection on the part of 
the French public and press to view relations with Africa as 
inherently "corrupt, sordid, and scandal-ridden." The public 
and press often looked at Africa only from this angle. One 
of Sarkozy's aims was to carry out a visit crisply, 
efficiently, and transparently. He wanted to show that 
France could deal with its African partners as 
straightforwardly as it dealt with its other partners, and 
Joubert deemed this aspect of the visit a success, even if 
its briskness and openness left the press, critics, and some 
Africans a bit perplexed. 

5. (C) Always seeking to put a negative light on relations, 
some observers, while claiming to condemn "France-Afrique," 
at the same time accused Sarkozy of trying to "rupture" 
French relations with Africa. Joubert said that neither 
Sarkozy nor anyone else speaking officially for France had 
ever used the term "rupture." The move away from 
"France-Afrique" was instead a "turning of a page" and a 
shift in direction towards a more modern and balanced 
relationship. 

6. (C) Thus partnership was an underlying theme of the 

PARIS 00000504 002 OF 002 


visit. In Niger, for example, where French 
extractive-industry giant AREVA and its activities were a 
central element of the visit, Sarkozy stressed not only the 
mutual benefits derived from AREVA's uranium operations but 
also the other positive aspects of AREVA's presence in terms 
of improved roads and infrastructure for the common good. 
The same was true for AREVA's activities in the DRC. 

7. (C) Another theme was democracy and good governance, 
with Joubert noting that France was unfairly accused of only 
supporting "old regimes." Sarkozy's speeches in the DRC and 
ROC stressed the need for both countries to adhere to 
democratic principles and that these principles were not 
something applicable only in the West. Joubert said that 
Sarkozy's stop in Brazzaville had to be managed "delicately." 
As also noted ref C, Sarkozy did not want to appear to be 
campaigning for President Sassou Nguesso regarding elections 
later in 2009, and Joubert pointed out that Sarkozy met with 
opposition figures to underscore that point. 

8. (C) Asked how the press and Africans viewed the visit, 
Joubert said that the press response was muted, in part 
because the visit did not take place according to press 
preconceptions. Joubert indicated that this was a positive 
development insofar as the press was forced to think about 
the visit. Joubert said that African leaders seemed to 
understand what Sarkozy's approach represented in terms of 
transparent, straightforward dealings, although they may not 
have been completely comfortable with it. Speaking quite 
candidly, Joubert said that "you have to understand, many of 
these leaders, such as Sassou Nguesso, have grown up with 
'France-Afrique.' When they used to meet with Chirac, it was 
all backslapping, jokes, long leisurely meals, and plenty of 
anecdotes about the old days, when they and Chirac were 
younger and coming up together. Sarkozy isn't like that at 
all; it takes some getting used to for some of them. There 
were a few comments about why Sarkozy didn't at least spend 
the night at each of his stops. They are beginning to see 
that Sarkozy is not here to carry on the old backslapping 
ways." 

DRC-Rwanda 

5 décembre 2010

Source Wikileaks (à traduire) HADOPI 2: French Assembly Approves Internet Piracy Sanctions Bill

PUISQUE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE VEUT CENSURER WIKILEAKS, SOYONS SON RELAIS !!

HADOPI 2: French Assembly Approves Internet Piracy 
Sanctions Bill 

Ref: Paris 559 

1. On September 15, the French National Assembly approved the 
sanctions' portion of the GOF's disputed Internet piracy law by 285 
votes in favor and 225 against (including some members of the UMP 
majority party. Nicknamed "Hadopi 2," this draft bill complements 
the law "Creation and the Internet" passed in June (Hadopi 
1)(Reftel). Hadopi 2 provides for two written warnings and then 
suspension of internet access by a judge. A joint parliamentarian 
committee will hold a final vote on the bill on September 22. 

2. The Socialist Party has already announced that it will challenge 
Hadopi 2 in front of the Constitutional Council, notably because 
they believe the bill's ordonnance pnale deprives potential 
offenders of the ability to defend themselves properly. Record 
companies, film producers and artists have supported the 
government's bid to crack down on Internet piracy. Recording 
industry organization SNEP estimates that it has destroyed 50 
percent of the value of the French recorded music market in six 
years. Other French organizations representing major and 
independent labels, songwriters and publishers noted that the new 
legislation "should put an end to years of laissez-faire resulting 
in a sharp erosion of their income." The original Hadopi 1 bill 
includes an elaborate system of sanctions devised to that effect and 
ranges from a 1,500-euro fine and a month-long suspension for 
allowing a third party to pirate music or films using their web 
connection, to 300,000 euros in fines and three years imprisonment 
for counterfeiters. 

3. French Culture Minister Frederic Mitterrand, who pushed for this 
bill last summer, stressed that artists would "remember that we had 
the political courage to finally break the laissez-faire attitude, 
and to protect their rights from those who want to turn the Internet 
into a ground for their libertarian utopia." Last week, Mitterand 
announced he would submit a bill (Hadopi 3) to improve online legal 
offerings by the end of the year. "By then, Hadopi 1 and 2 will be 
operational," he said. Mitterand appointed Patrick Zelnik, CEO of 
French independent label Naove, which produces Carla Bruni's music, 
to develop the Hadopi 3 proposals. In the meantime, "Parti Pirate," 
the first French affiliate of Piracy Pirate International, will 
present a candidate in the September 20 interim election for a 
vacant seat in the National Assembly. 

RIVKIN

20 novembre 2010

VA-T-ON CONTINUER A SE LAISSER PILER? OU ALORS QUOI? (contribution de Michel Peyret)

Aujourd'hui, si l'on souhaite que sa situation personnelle s'améliore, quelles questions convient-il de se poser? Outre le fait que l'on peut vite constater que l'on n'est pas seul à se questionner ainsi, on en vient vite à considérer qu'il est nécessaire avant tout de déterminer quelle est l'alternative principale à laquelle on est confronté. Evidemment, à chaque instant, il est une multitude d'alternatives qui se présentent à nous et qui, chacune, impliquent des choix. Mais l'on conviendra qu'elles n'ont pas toutes les mêmes conséquences sur la vie de chacun. Aller à la pêche, ou bien alors à la chasse, quel que soit le choix qui est fait, notre vie ne va pas changer fondamentalement.

CHANGER DE PRESIDENT POUR CHANGER SA VIE?

Remplacer Nicolas Sarkozy par DSK est-il susceptible d'avoir une influence différente ou supérieure? Si l'on se réfère aux changements de présidents que l'on a connus depuis 1981 par exemple, il m'apparaît percevoir plutôt que les évolutions se sont davantage situées dans la continuité des politiques conduites, et plutôt dans leur aggravation au fil des changements. Mitterrand, avant 1981, avait promis/juré la rupture avec le capitalisme, mais il a rapidement plutôt initié la stratégie, la pédagogie du renoncement, avant de se reconvertir totalement à une franche financiarisation et à une réelle mondialisation du capitalisme qui ont conduit à l'accélération et à l'approfondissement actuels de sa crise, non sans que la cohabitation Chirac/Jospin/Buffet n'y ait ensuite sérieusement contribué avec, et entre autres, le sommet européen de Barcelone et les dispositions anti-populaires en différents domaines qui y furent prises, ou encore le record absolu de privatisations qui fut pulvérisé par ce gouvernement.

DES PRESIDENTS ET GOUVERNEMENTS SANCTIONNES

Le tout aboutissait à ce précédent historique consistant en ce que le responsable fascisant et raciste de l'extrème-droite talonne, au premier tour des présidentielles, le représentant de la droite dite « classique », lequel devenait ainsi au second tour l'homme d'union pour lequel il fallait obligatoirement voter pour empêcher Le Pen de l'emporter au second tour. La sanction qui frappait ainsi Lionel Jospin et la « gauche plurielle » - Jospin ne s'en est d'ailleurs jamais relevé ni d'ailleurs le parti socialiste qui, depuis, piétine dans les basses eaux électorales à l'occasion de consultations de ce niveau.

LES VAGUES D'AFFAIBLISSEMENT DU PCF

La sanction ne fut pas moins sévère pour le PCF de Robert Hue. On était déjà à cette occasion dans les plus mauvais résultats électoraux de l'existence du PCF, et les observateurs politiques avertis considéraient que la coupure entre ce parti et l'essentiel de son électorat populaire pouvait être durable. Elle succédait en effet à deux vagues d'affaiblissement du PCF: celle de 1981 qui voyait le PCF être dépassé électoralement, pour la première fois depuis la Libération, par le parti socialiste de Mitterrand; et celle consécutive aux premières participations communistes aux gouvernements « d'Union de la gauche » qui succédèrent à l'élection de François Mitterrand de 1981 et à son renouvellement de 1988. Aussi, dès cette époque, c'est-à-dire avant même les changements conséquents qui allaient intervenir en Europe de l'Est à partir de 1989, l'influence du PCF était déjà réduite aux environs de 10% alors qu'elle avait plafonné à 27% à la Libération.

L'ERRANCE STRATEGIQUE

Il y avait là, sans doute aucun, le résultat de ce que j'ai appelé « l'errance stratégique » du PCF, lequel avait accepté toutes les conséquences, furent-elles tout aussi funestes pour lui que celle du retour de De Gaulle au pouvoir en 1958, ou de la sanction qu'il connut déjà après le mouvement populaire de 1968, qu'avaient entraîné les traités mettant fin à la seconde guerre mondiale et procédant au « partage de l'Europe ». Cette « errance » conduisit, avec Waldeck Rochet, à la stratégie dite du « programme commun », à la signature de ce programme le 27 juin 1972 avec le Parti socialiste.

L'ECHEC DU PROGRAMME COMMUN

Ce programme fut alors massivement diffusé par les militants communistes, à la mesure de ce qui apparaissait alors comme leur victoire, cependant que l'expérience conduisit a contrario à redorer les couleurs social-démocrates du PS, Mitterrand pouvant se flatter dès août 1972, devant le Congrès de Vienne de l'Internationale socialiste, d'avoir signé ce programme dans le seul but qu'il affichait alors: réduire massivement l'influence du PCF. Pour sa part, Georges Marchais, alors secrétaire général adjoint du PCF, dans la préface à la publication du programme qu'il signait, écrivait: « Le 27 juin, un événement considérable – et sans précédent dans l'histoire du mouvement ouvrier et démocratique de notre pays depuis un demi-siècle – survenait dans la vie politique française: le Parti communiste français et le Parti socialiste adoptaient un programme commun de gouvernement. »

LE CHANGEMENT RESTE A L'ORDRE DU JOUR

Et, contrairement aux propos de Vienne de Mitterrand, il continuait en affirmant; « Ce programme offre la perspective claire et cohérente d'un changement profond, correspondant aux intérêts et aux aspirations des travailleurs, des démocrates, de l'ensemble du peuple français. « Cette question du changement est à l'ordre du jour de la vie de la nation. Des millions et des millions d'hommes et de femmes disent aujourd'hui: « Cela ne peut plus durer ainsi. » « Les cause du mécontentement sont simples: le régime ne cesse d'aggraver les difficultés d'existence de toutes les couches de la population laborieuse, et en premier de la classe ouvrière. Aussi, chacun s'interroge maintenant avec inquiétude, voire avec anxiété sur sa situation, sur l'avenir. L'instabilité, l'insécurité dominent... » Plus avant, Georges Marchais affirmait: « En fin de compte, plus les années passent, plus ces rebouteux enfoncent la société dans l'impasse... « Or, ce qui est la caractéristique de la situation actuelle, c'est précisément que tous ces moyens mis en oeuvre par le grand capital pour résoudre ses contradictions perdent, à notre époque, de plus en plus de leur efficacité. Ils sont devenus eux-mêmes la source de contradictions nouvelles et aiguës...

A L'ORIGINE DE LA CRISE

« Telle est l'origine réelle de la crise que connait aujourd'hui notre pays », poursuivait Georges Marchais, « Il s'agit de la crise d'un système, d'un type d'organisation de l'économie et de la société, c'est-à-dire la crise du capitalisme monopoliste d'Etat... » Le verdict était exact! C'était il y a quelques quatre décennies! Quelque quatre décennies d'errance, comme je l'ai montré plus haut. Pour ma part, à l'époque, après les déclarations de Mitterrand à Vienne, je suis indigné et, je m'en suis jamais caché, et même si j'ai pu être incompris à l'époque, j'ai décidé de ne plus jamais voter socialiste, non seulement au premier tour, ce qui en général allait de soi puisqu'il y avait en général un candidat communiste, mais également au second tour et lors des élections municipales. Mais, on le comprend bien, cette réaction individuelle, et même si elle était également celle des militants communistes dont j'étais le plus proche, ne pouvait être suffisante pour mettre fin à l'errance stratégique.

QUATRE DECENNIES PLUS TARD, ENCORE REBELOTE

Mais quatre décennies plus tard, quand j'entends dire « rebelote » sous des formes quelque peu identiques... ! D'autant que, si nous ne sommes plus en 1972, si l'errance a fait ses preuves – les preuves de sa nocivité absolue – an fil du temps, nous sommes passés à d'autres étapes... Le mouvement populaire lui, dans sa majorité, est sorti de l'errance. Il est en recherche d'une stratégie de rechange. J'ai plusieurs fois retracé les étapes de son cheminement. Dès 1992, avec le référendum sur le Traité de Maastricht, il s'est pour l'essentiel émancipé de la « pédagogie du renoncement » distillée par Mitterrand et le PS pour justifier leur abandon du programme commun et des projets de rupture avec le capitalisme... 1995..., 1997 et la « gauche plurielle », la sanction de 2002... et 2005! 2005,

LE MOUVEMENT POPULAIRE A GAGNE!

2005, au référendum sur le TCE, le mouvement populaire a gagné. Non seulement le TCE est refusé, mais également l'ensemble des traités constitutifs de la dite Union européenne qu'il reprend sont également retoqués! Dès lors, l'Union européenne n'a plus d'existence légale puisqu'il suffit qu'un seul pays manque à l'appel pour que cela soit le cas. Et jamais, jamais depuis 2005, le peuple français n'est revenu sur sa décision! On ne le lui a jamais demandé d'ailleurs! C'est pourquoi les démarches entreprises pour faire adopter le Traité de Lisbonne sans nouvelle consultation électorale constituent un « coup d'Etat » comme le montre la constitutionnaliste Anne-Marie Le Pourhiet: ce que le peuple a fait ou décidé, il n'y a que le peuple qui peut le défaire, et il ne l'a pas fait.

LE COUP D'ETAT CAUTIONNE!

Mais l'essentiel des forces politiques a cautionné le coup d'Etat! Non seulement aucune d'entre-elles ne l'a dénoncé comme tel, mais toutes ont accompagné leurs députés à Versailles, accompagnant du coup le coup d'Etat, la trahison... Ainsi, la collaboration de classe a franchi une nouvelle étape. Non seulement la quasi-totalité des forces politiques va au gouvernement pour gérer l'Etat capitaliste et ses institutions mais, avec le viol des résultats du référendum de 2005, on s'assoit délibérément sur le vote souverain du peuple, on commet le crime, on décrète que ce vote est nul et non advenu, et aucune des principales forces politiques, aucune, même avec retard, ne dénonce le coup d'Etat, la trahison! Le corps de Victor Hugo doit faire trembler tout l'édifice qui l'accueille!

LA TRAHISON DES TRAHISON

Cette trahison va se poursuivre à l'occasion des présidentielles de 2007. Tout le monde a gardé en mémoire comment les uns et les autres, les unes et les autres, parmi les responsables des forces politiques vont alors tout mettre en oeuvre pour que le rassemblement majoritaire réalisé autour du NON en 2005 ne puisse se concrétiser à l'occasion de cette élection et permette l'élection d'un, ou d'une, président(e) issu du mouvement populaire. C'est la trahison des trahisons! Et ceux qui la conduisent sont justement sanctionnés, personne ne s'y est trompé! Mais il faut le dire, et le dire avec force, ce sont les traitres qui ont gagné...au moins provisoirement, au moins en apparence!

LA SUITE DE L'HISTOIRE N'EST PAS ECRITE

Au moins en apparence, parce que la suite de l'histoire n'est pas écrite, même si nombre d'entre ces responsables politiques ont repris leur partition et joué le même air à l'occasion du dernier mouvement sur les retraites. Parce qu'il n'empêche... plus guère personne n'est dupe. En 2009, 60% des inscrits sur les listes électorales ont boycotté les élections au Parlement européen dans le prolongement de leur vote déjà majoritaire de 2005. Début 2010, 54% des inscrits boycottent les élections régionales. C'est la confirmation d'un rejet majoritaire d'un régime, d'un système et de leurs institutions! Puis, et encore, début 2010, une enquête de la Sofres montre que 72% des salariés considèrent le capitalisme comme négatif. Et, à l'automne, 71% des Français demandent le retrait pur et simple du projet Sarkozy relatif aux retraites. Ces larges majorités inédites sont d'un haut niveau de conscience.

LE CAPITALISME A FAIT SON TEMPS

Avec ces larges majorités de rassemblement, nous ne sommes plus dans les logiques faussées des prétendus affrontements « gauche/droite », « droite » et « gauche » se retrouvant pour gérer soit ensemble, soit séparément l'Etat capitaliste. Aujourd'hui la conscience est là qu'il ne suffirait en rien de remplacer un « bon » gestionnaire du capitalisme par un autre « bon » gestionnaire de ce même capitalisme. Aujourd'hui, la conscience a grandi, est devenue majoritaire, de ce que ce capitalisme, au demeurant en crise, a fait son temps, qu'il faut changer de société, et qu'enfin il convient pour ce faire de s'organiser sur les lieux de travail, les quartiers, les villages.

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15 novembre 2010

Chapitre 8 de "Qu'est-ce que le marxisme ?" de Chris Harman

Chapitre 8 : Comment peut-on changer la société ?

 En Grande-Bretagne, la majorité écrasante des socialistes et des syndicalistes défendent généralement l’idée que la société pourrait être transformée sans une révolution violente. Il suffirait, disent-ils, que les socialistes gagnent suffisamment de soutien populaire pour gagner le contrôle des institutions politiques « traditionnelles » - parlement et conseils municipaux. Alors les socialistes seraient en position de changer la société en utilisant l’État existant - le service public, la justice, la police et les forces armées - pour appliquer des lois qui limiteraient le pouvoir de la classe employeuse.

 De cette manière, prétendent-ils, le socialisme peut être introduit graduellement et sans violence, en réformant le système actuel.

Cette théorie est, généralement, appelée le « réformisme », bien qu’occasionnellement, on entende des termes comme « révisionnisme » (parce que cela implique la révision complète des idées de Marx), « sociale-démocratie » (bien que, jusqu’en 1914, cela signifiait socialisme révolutionnaire) ou fabianisme (d’après la Société des Fabiens qui a longtemps propagé des idées réformistes en Angleterre). C’est une vision acceptée par la gauche comme par la droite du Parti socialiste comme du Parti communiste.

Le réformisme semble, à première vue, très crédible. Cela correspond avec ce que l’on apprend à l’école, dans les journaux ou à la télévision - que le « parlement » dirige le pays et que « le parlement est élu, démocratiquement, selon la volonté de la population ». Pourtant, malgré cela, chaque tentative pour introduire le socialisme par le parlement a été un échec. Ainsi, il y eut plusieurs gouvernements de majorité de gauche en Grande-Bretagne depuis 1945 - avec des majorités écrasantes en 1945 et 1979 - pourtant nous ne sommes pas plus près du socialisme qu’en 1945.

Les expériences ailleurs sont les mêmes. Au Chili en 1970, le socialiste Salvador Allende fut élu président. Les gens prétendirent que c’était une « nouvelle manière » d’avancer vers le socialisme. Trois ans plus tard, les généraux à qui on avait demandé de rejoindre le gouvernement renversèrent Allende et le mouvement ouvrier chilien fut détruit. Il y a trois raisons, toutes intimement liées, qui expliquent pourquoi le réformisme ne peut jamais réussir.

Premièrement, pendant que les majorités socialistes, aux parlements, introduisent « graduellement » des mesures socialistes, le pouvoir économique réel reste entre les mains de la vieille classe dirigeante. Ils peuvent utiliser ce pouvoir économique pour fermer des pans entiers de l’industrie, pour créer du chômage, pour faire monter les prix par la spéculation, déplacer de l’argent à l’étranger pour créer une crise des « balances des paiements », et pour lancer des campagnes de presse rejetant la faute sur le gouvernement socialiste.

Ainsi le gouvernement travailliste de Harold wilson a été obligé en 1964 et à nouveau en 1966 d'abandonner des mesures qui auraient bénéficié aux travailleurs - par le mouvement en masse de capitaux à l'étranger par des individus riches et des entreprises. Wilson lui-même a décrit dans ses mémoires comment

Nous étions à présent arrivés à la situation où des spéculateurs internationaux disait à un gouvernement nouvellement élu que le programme sur lequel nous avions fait campagne ne pouvait pas être mis en œuvre. (...) On demandait au premier ministre de la reine de baisser le rideau sur la démocratie parlementaire en acceptant la doctrine suivant laquelle une élection en Grande-Bretagne était une farce, suivant laquelle le peuple britannique ne pouvait pas choisir entre plusieurs programmes.

Le gouvernement d’Allende au Chili dut faire face à d’encore plus grandes attaques de la part de la haute finance. Deux fois, des pans entiers de l’industrie furent fermés par des « grèves de patrons », pendant que la spéculation augmentait énormément les prix et le contrôle des stocks par les hommes d’affaires obligea les gens à faire la queue pour se nourrir.

La deuxième raison pour laquelle le capitalisme ne peut être réformé est que l’État existant n’est pas « neutre », mais conçu, de haut en bas, pour préserver la société capitaliste. L’État contrôle presque la totalité des moyens de la force physique, les moyens de la violence. Si les organisations de l’État étaient neutres, et faisaient exactement ce qu’un gouvernement quelconque lui ordonnait, qu’il soit capitaliste ou socialiste, alors l’État pourrait être utilisé pour stopper le sabotage de l’économie par la haute finance. Mais si on regarde comment la machine étatique opère et qui donne réellement les ordres, on s’aperçoit qu’elle n’est pas neutre.

La machine étatique ne se résume pas simplement au gouvernement. C’est une vaste organisation comprenant plusieurs branches - la police, l’armée, la justice, le service public, ceux qui dirigent les entreprises nationalisées etc. Beaucoup de ceux qui travaillent dans ces différentes branches de l’État viennent de la classe ouvrière - ils vivent et sont payés comme des travailleurs.

Mais ce ne sont pas ces personnes qui prennent les décisions. Les soldats de base ne décident pas dans quelle guerre ils devront combattre ou quelle grève ils devront briser ; l'employé de Pôle Emploi ne décide pas de la somme des allocations chômages. La machine étatique entière est basée sur le fait que quelqu’un à un niveau donné de l’échelle doit obéir à celui du niveau supérieur.

C’est, essentiellement, le cas dans les sections de la machine étatique qui exercent la force physique - l’armée, la marine, l’armée de l’air, la police. La première chose que l’on apprend au soldat qui s’engage - bien avant de lui laisser toucher une arme - est d’obéir aux ordres, sans se soucier de son avis concernant ces ordres. C’est pour cela qu’on lui apprend à faire des manœuvresabsurdes. S’il est capable de suivre des commandements grotesques au défilé, il est clair qu’il tirera sans se poser plus de questions.

Le crime le plus terrible dans l’armée est de refuser d’obéir aux ordres - la mutinerie. Cette offense est si terrible que la mutinerie, en temps de guerre, est passible de mort. Qui donne les ordres ?

Si on jette un oeil à la hiérarchie de l’armée britannique ( et les autres armées ne sont pas différentes ), on trouve : général - commandant de brigade - colonel - lieutenant - sous-officier - soldat. A aucun moment n’interviennent les représentants élus - que ce soit un député ou un élu local. C’est aussi un acte de mutinerie pour un groupe de soldats d’obéir à leur député plutôt qu’à l’officier.

L’armée est une énorme machine à tuer. Ceux qui la dirigent - et qui ont le pouvoir de promouvoir d’autres soldats à des positions dirigeantes - sont les généraux. Bien sûr, en théorie, les généraux sont responsables devant le gouvernement élu. Mais les soldats sont entraînés à obéir à un général, pas à des élus. Si les généraux décident de donner des ordres aux soldats, qui ne sont pas ceux du gouvernement, celui-ci n’a aucun moyen pour contrer ces ordres. Il ne peut qu’essayer de convaincre les généraux de changer d’avis, si jamais il est au courant des ordres qui ont été donnés - parce que les affaires militaires sont toujours tenues secrètes, il est très facile pour les généraux de cacher leurs activités aux gouvernements qu’ils n’apprécient pas.

Cela ne signifie pas que les généraux ignorent, toujours ou très souvent, ce que leurs disent les gouvernements. En général, en Grande-Bretagne, ils ont trouvé plus utile de suivre presque tout ce que suggérait les gouvernements. Mais, dans une situation de vie ou de mort, les généraux sont capables d’enclencher leur puissante machine à tuer sans écouter le gouvernement, et il ne reste pas grand chose que le gouvernement puisse faire dans ces cas-là. C’est ce que firent, par exemple, les généraux, au Chili, quand Allende fut renversé.

Ainsi la question, « qui dirige l’armée ? », revient à « qui sont les généraux ? » En Grande-Bretagne, 80 % des officiers supérieurs viennent d’écoles privées  payantes, - la même proportion qu’il y a 50 ans (17 années de gouvernements travaillistes n'ont pas changé cela). Ils ont des liens de parenté avec les propriétaires de grandes entreprises, appartiennent aux mêmes clubs chics, se rencontrent dans les mêmes soirées mondaines, partagent les mêmes idées (si vous en doutez, lisez la page courrier de quasiment n’importe quel exemplaire du Daily Telegraph). Il en va de même pour les hauts fonctionnaires, pour les juges, pour les commissaires.

Pensez-vous que ces personnes vont obéir aux ordres d’un gouvernement pour enlever le pouvoir économique des mains de leurs amis ou relations dans la haute finance, seulement parce que 330 personnes discutent dans les salons de la chambres des députés ? Ne feront-ils pas, à la place, comme les généraux chiliens, qui sabotèrent les ordres du gouvernement pendant trois ans et, au moment venu, le renversèrent ?

En pratique, la « constitution » particulière que nous avons en Grande-Bretagne permet à ceux qui contrôlent la machine Étatique d'étouffer la volonté d’un gouvernement de gauche élu sans avoir à le liquider physiquement. Si un tel gouvernement était élu, il ferait face à un sabotage massif de l’économie (fermetures d’usines, fuites de capitaux, contrôle des stocks, inflation galopante). Si le gouvernement essayait de répondre à ses sabotages en utilisant les « moyens constitutionnels » - en votant des lois - il se retrouverait les mains liées dans le dos.

La Chambre des Lords refuserait certainement de ratifier ces lois - reportant leur vote au maximum. Les juges les « interprèteraient » de telle manière qu’elles seraient sans pouvoir. Les chefs du service public, les généraux, et les chefs de police se serviraient des décisions des juges et du Sénat pour justifier leur propre inaction à leur ministère. Ils seraient soutenus par quasiment toute la presse, qui déclarerait que le gouvernement se comporte « illégalement ». Les généraux se serviraient de ce langage pour justifier les préparatifs en vue de renverser un gouvernement « illégal ».

Le gouvernement serait impuissant devant le chaos économique - sauf s’il a déjà agi inconstitutionnellement et a appelé les soldats, la police à se retourner contre leurs supérieurs.

Pour celui qui pense que tout cela n’est que de la science-fiction, j’ajouterai qu’il y a eu au moins deux occasions dans l’histoire récente de la Grande-Bretagne où des généraux ont saboté les décisions gouvernementales qu’ils n’appréciaient pas.

En 1912, la chambre des Communes vota une loi qui permettait la création d’un parlement ’indépendant’ pour diriger une Irlande unie. Le dirigeant de droite, Bonar Law, dénonça immédiatement le gouvernement (Libéral !) et l’accusa d’être une « junte » illégale qui avait « vendu la Constitution ». La chambre des Lords retarda, évidemment, l’application de cette loi aussi longtemps qu’elle put (deux ans, dans ce cas), alors que l’ancien ministre de droite Edward Carson organisa une force paramilitaire dans le nord de l’Irlande pour résister à cette loi.

Lorsqu’on ordonna aux généraux qui commandaient l’armée britannique en Irlande, de se diriger vers le nord pour affronter ces troupes, ils refusèrent et menacèrent de démissionner. C’est à cause de cette action, couramment appelé la « Mutinerie Curragh », que l’Irlande du nord comme du sud, ne put avoir un seul parlement en 1914, et reste, encore aujourd’hui, une nation divisée.

In 1974 il y eut une répétition en minature des événements de 1912. Les Loyalistes sectaires et réactionnaires d'Irlande du Nord ont organisé un arrêt général de l'industrie, ont utilisé des barricades pour empêcher les gens d'aller au travail, pour ne pas être obligés d'accepter un gouvernement d'union protestant-catholique en Irlande du Nord. Les ministres britanniques ont demandé à l'armée britannique et à la police d'Irlande du Nord, le Royal Ulster Constabulary, de démonter les barricades et de mettre fin à la grève. Les hauts officiers de l'armée et les commandants de la police dirent au gouvernement que ce n'était pas recommandé, et que ni les soldats ni la police ne s'attaqueraient aux Loyalistes. Le gouvernement d'union protestant-catholique dût démissionner, les opinions des officiers de l'armée se sont montrées plus puissantes que celles du gouvernement britannique.

Si cela s’est passé, en 1912 comme en 1974, avec des gouvernements modérés prenant de timides mesures, imaginez ce qui se passerait si un gouvernement de socialistes militants était élu. Toute majorité réformiste conséquente seraient rapidement dans l’obligation de faire un choix : ou bien abandonner les réformes et suivre les directives de ceux qui contrôlent l’industrie et les positions étatiques clés ou se préparer à un conflit généralisé, qui, inévitablement, impliquera l’utilisation de la force, contre ceux qui contrôlent ces positions.

La troisième raison pour laquelle le réformisme est une impasse, est que la « démocratie » parlementaire contient des mécanismes internes permettant d’empêcher tous les mouvements révolutionnaires d’y trouver leur expression.

Certains réformistes affirment que le meilleur moyen pour prendre le pouvoir des mains de ceux qui contrôlent les positions clés de la machine étatique est pour la gauche d’obtenir la majorité au parlement d’abord. Cet argument s’effondre car les parlements sous-évaluent toujours le niveau de conscience révolutionnaire de la masse de la population.

La masse des gens ne croira en sa capacité de prendre le contrôle de la société que lorsqu’elle le fera en pratique, par la lutte. Ce n’est que lorsque des millions de gens occupent leurs usines ou prennent part à une grève générale que les idées du socialisme révolutionnaire deviennent, soudainement, réalistes.

Mais un tel niveau de lutte ne peut se maintenir indéfiniment sauf si la vieille classe dominante est éjectée du pouvoir. Si elle y reste, elle attendra que les occupations et les grèves diminuent, et, alors, utilisera son contrôle sur l’armée pour briser la lutte. Une fois que les grèves et les occupations commencent à vaciller, le sentiment de confiance et d’unité au sein des travailleurs commence à s’évanouir. La démoralisation et l’amertume s’installent. Même les plus combatifs commencent à penser que le changement de société n’est qu’un rêve fou.

Voilà pourquoi les employeurs préfèrent toujours que les votes de grèves se fassent lorsque les travailleurs sont à la maison, prenant leurs idées à la télévision ou dans les journaux, et pas lorsqu’ils sont unis dans des meetings de masse, pouvant entendre les arguments des autres travailleurs.

Voilà aussi pourquoi les lois antisyndicales contiennent presque toutes une clause obligeant les travailleurs à arrêter la grève, lors d’un vote à bulletin secret. Ce genre de clause s’appelle, à juste titre, celle des périodes de « refroidissement » - elles servent à verser de l’eau froide sur la confiance et l’unité des travailleurs.

Le système parlementaire prévoit, dans sa structure, des périodes de refroidissement et des votes à bulletins secrets. Par exemple, si un gouvernement est mis à genoux par une grève massive, il dira sûrement,« OK, attendons trois semaines avant la tenue d’élections législatives qui résoudront la question démocratiquement ». Il espère que d’ici là la grève sera arrêtée. La confiance et l’unité des travailleurs vont alors se faner. Les employeurs pourront mettre les militants sur une liste noire. La presse capitaliste et sa télévision pourront se remettre à fonctionner normalement, martelant les travailleurs d’idées pro-gouvernementales. La police peut arrêter les « fauteurs de troubles ».

Alors, lorsque l’élection a finalement lieu, le vote ne reflètera pas le point culminant de la lutte des travailleurs, mais le plus bas niveau, après la grève.

En France, en 1968, le gouvernement du Général De Gaulle utilisa les élections exactement dans ce but. Les partis réformistes ouvriers et les syndicats appelèrent à la fin de la grève, et De Gaulle gagna les élections.

Le premier ministre Britannique, Edward Heath, essaya la même ruse lors d’une grève de mineurs massivement soutenue, en 1974. Mais cette fois, les mineurs n’ont pas été dupes. Ils restèrent en grève - et Heath perdit les élections.

Si les travailleurs attendent les élections pour décider de positions clés durant la lutte de classe, ils n’atteindront jamais le point culminant.

L’État ouvrier

Face à cela, Marx, dans sa brochure La guerre civile en France, et Lénine dans L’État et la révolution décrivirent une vision complètement différente sur le moyen pour le socialisme de gagner. Aucun d’eux ne tirèrent leurs idées de l’espace, ils développèrent, tous deux, leurs analyses en regardant la classe ouvrière en action - Marx vit la Commune de Paris, Lénine les soviets (conseils d’ouvriers) russes de 1905 et 1917.

Mais Marx et Lénine insistèrent sur le fait que la classe ouvrière ne pouvait commencer à construire le socialisme avant d’avoir, au préalable, détruit le vieil État basé sur des chaînes de commandes bureaucratiques, et ensuite créé un nouvel État basé sur des principes entièrement nouveaux. Lénine souligna que cet État devait être complètement différent de l’ancien, en l’appelant « Etat-Commune », un État qui « cesse d'être un Etat ».

Un nouvel État, disaient Marx et Lénine, sera absolument nécessaire si la classe ouvrière veut imposer sa loi sur les restes des anciennes classes dirigeantes et moyennes. C’est pour cela qu’il l’appelèrent la « dictature du prolétariat » - la classe ouvrière devait décider de la façon dont la société devait fonctionner. Elle devait aussi défendre sa révolution contre les attaques des classes dominantes d’autres pays. Pour accomplir ces deux tâches, elle doit avoir sa propre force armée, une certaine forme de police, de cours, de prisons.

Mais si cette nouvelle armée, police et système légal doivent être contrôlés par la classe ouvrière, et ne jamais se retourner contre ses intérêts, ils doivent être d’une nature complètement différente de ceux de l’État capitaliste. Ils doivent être le moyen par lequel la classe ouvrière en tant que majorité impose sa dictature au reste de la société, pas une dictature dirigée contre la majorité de la classe ouvrière.

Voici les principales différences.

- L’État capitaliste sert les intérêts d’une petite minorité de la société. L’État ouvrier doit servir les intérêts de l’immense majorité. La force dans l’État capitaliste, est exercée par une minorité de mercenaires, coupés du reste de la société et entraînés à obéir aux ordres de leurs supérieurs. Dans un État ouvrier, la force serait nécessaire uniquement pour que la majorité se protége des actes antisociaux des restes de l’ancienne classe privilégiée. La police et l’armée d’un État ouvrier doivent être composées de travailleurs, qui côtoient librement avec leurs camarades ouvriers, qui partagent les mêmes idées et la même vie. En effet, pour s’assurer que les groupes de soldats et de policiers ne se développent jamais de manière à être séparés de la masse des travailleurs, la « police » et les « soldats » doivent être des travailleurs qui sont chargés tour à tour, par un système de roulement, d’assumer ses fonctions.

- Plutôt que les forces armées et la police soient dirigées par un petit groupe d’officiers, elles seront dirigées par des représentants, directement élus, de la masse des travailleurs. Les représentants parlementaires, dans un État capitaliste, votent des lois mais laissent, à plein temps, des bureaucrates, juges et commissaires de police la capacité de les appliquer. Cela permet aux députés et élus locaux d’avoir un million d’excuses quand leurs promesses ne sont pas tenues. Les représentants des travailleurs dans un État ouvrier devront voir leurs lois mises immédiatement en application. Ce sont eux, et pas une élite de hauts bureaucrates, qui devront expliquer aux travailleurs du service public, de l’armée etc. comment les choses doivent se faire. Et de même, des représentants ouvriers élus devront interpréter ces lois dans les tribunaux.

- Les représentant parlementaires dans un État capitaliste sont détachés de ceux qui les élisent, par de gros salaires. Dans un État ouvrier, les représentants ne devront pas recevoir plus que le salaire moyen d’un ouvrier. Il en va de même pour ceux qui travaillent à faire appliquer les décisions des représentants (l’équivalent des fonctionnaires actuels). Les représentants ouvriers, et tous ceux concernés à appliquer les décisions des travailleurs, ne devront pas être, comme les députés, élus pour cinq ans (ou à vie dans le cas de hauts fonctionnaires) sans la possibilité d’être renvoyés. Ils devront être soumis à au moins une élection par an, et être révocables à tout moment s’ils ne suivent pas les souhaits des travailleurs.

- Les représentants parlementaires sont élus par tous les gens d’une certaine localité - bourgeois, classe moyennes, et classe ouvrière, propriétaires de même que locataires. Dans un État ouvrier, les élections concerneraient uniquement ceux qui travaillent, votant, seulement, après des discussions ouvertes. Ainsi le noyau de l’État ouvrier consisterait en des conseils ouvriers dans les usines, les mines, les docks, dans les bureaux, avec des groupes tels que les femmes au foyer, les retraités, les étudiants ayant leurs propres représentants.

De cette manière, chaque section de la classe ouvrière aurait ses propres représentants et serait capable de juger s’il ou elle suit ses intérêts. Ainsi, le nouvel État ne peut devenir une force séparée de et opposée à la majorité de la classe ouvrière - au contraire de ce qui s’est passé dans les pays du bloc de l’Est qui s’appelaient « Communistes ».

Dans le même temps, le système des conseils ouvriers fournit un outil avec lequel les travailleurs peuvent coordonner leurs efforts pour faire tourner l’industrie selon un plan décidé nationalement et démocratiquement, et pas finir par se concurrencer. Il est facile de voir comment la technologie informatique moderne permettrait à tous les travailleurs d’obtenir des informations concernant diverses options économiques accessibles à la société, et conduire leurs représentants à choisir ce que la majorité des travailleurs pense être les meilleures options - savoir si on construit des Concordes, ou un système de transport public fiable et bon marché, savoir si on construit des bombes nucléaires ou une banque de reins artificiels, etc.

L’extinction de l’État

Parce que le pouvoir étatique ne doit pas être séparé de la masse des travailleurs, il sera beaucoup moins coercitif que sous le capitalisme. Lorsque les restes de l’ancienne société contre qui il était dirigé, sera résignée à la victoire de la révolution, et lorsque d’autres révolutions auront renversé les autres classes dirigeantes, il y aura besoin de moins en moins de coercition, jusqu’à ce que les travailleurs n’aient plus besoin de quitter leur travail, pour accomplir les tâches « policières » et « militaires ».

C’est ce que Marx et Lénine voulaient dire lorsqu’ils disaient que l’État devrait disparaître. A la place de la coercition contre les gens, l’État deviendrait plutôt un mécanisme de conseils ouvriers pour décider comment produire et distribuer les richesses.

Les conseils ouvriers doivent apparaître, sous une forme ou sous une autre, lorsque les conflits entre les classes ont atteint un très haut niveau. « Soviet » fut le mot russe pour désigner les conseils ouvriers de 1905 et 1917.

En 1918, en Allemagne, les conseils de travailleurs furent, brièvement, le seul pouvoir dans le pays. En Espagne, en 1936, les différents partis et syndicats ouvriers s’unirent dans des « comités de milices », qui dirigeaient localement et ressemblaient à des conseils ouvriers. En Hongrie, en 1956, les travailleurs élirent des conseils pour faire tourner les usines et les villes, lorsqu’ils combattaient les troupes russes. Au Chili, en 1972-73, les travailleurs commencèrent à construire des « cordones » - des comités de travailleurs qui reliaient les grosses usines.

Les conseils de travailleurs apparurent en tant que structures qu’utilisent les travailleurs dans leurs luttes contre le capitalisme. Ils peuvent démarrer avec de modestes fonctions, récoltant des fonds de soutien pour la grève par exemple, mais parce qu’ils sont basés sur l’élection directe des travailleurs, sur des représentants ouvriers soumis à la révocation, ils peuvent, aux plus hauts points de la lutte, coordonner les efforts de la classe ouvrière toute entière. Ils peuvent former la base du pouvoir des travailleurs.

Chris Harman est militant marxiste britannique né en 1942 et décédé au Caire en 2009. 

D'origine ouvrière, il a étudié au milieu des années 1960 à la London School of Economics où il était l'un des animateurs de la gauche estudiantine, puis (avec d'autres comme Tariq Ali) de la Vietnam Solidarity Campaign, une organisation qui a mobilisé des centaines de milliers de britanniques contre la guerre au Vietnam. 

Il est rapidement devenu membre de la direction des International Socialists, la principale organisation de l'extrême gauche britannique, devenue depuis le Socialist Workers Party(Grande-Bretagne) (SWP) (« Parti socialiste des travailleurs », trotskiste), et de son courant international, l'International Socialist Tendency.


Chris Harman a été nommé rédacteur en chef de l'hebdomadaire du SWP dans les années 1970 et l'est resté (avec un bref intervalle) jusqu'en 2004. Il est aussi rédacteur en chef de la revue théorique du SWP.

 

Il est l'auteur de plusieurs centaines d'articles, ainsi que d'ouvrages plus substantiels ayant comme thèmes, entre autres, l'histoire des luttes ouvrières et des mouvements révolutionnaires, la théorie marxiste et l'analyse du capitalisme contemporain, l'URSS et les pays de l'Europe de l'Est, l'attitude marxiste envers l'islam. Il a contribué à défendre la théorie développée par Tony Cliff, le fondateur du SWP, selon laquelle l'URSS et les autres pays se réclamant du « communisme » étaient en réalité des « capitalismes bureaucratiques d'État ».

 

11 novembre 2010

Petite chanson antimilitariste pour le 11 novembre

30 octobre 2010

Un peu de culture anticapitaliste est révolutionnaire. 6

Aujourd'hui, nous allons rendre hommage à un réalisateur qui fût un génie dans son domaine : Stanley Kubrick, en parlant d'un film qui n'est pas un film anticapitaliste ou révolutionnaire mais qui est très intéressant sur le plan de la réflexion politique.

Docteur Folamour (ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe) : Ce film pourrait presque être classé dans le registre de l'anticipation. Le scénario est simple : en pleine guerre froide, les tensions entre les Etats Unis et l'URSS sont à leur apogée. Le général Jack D. Ripper, visiblement complètement paranoïaque, décide d'envoyer des bombardiers B-52 sur l'URSS. Le président américain tente alors d'éviter la guerre nucléaire en contactant son homologue soviétique via le téléphone rouge.

La seule solution est de donner à l'URSS la position des avions afin de les détruire mais l'un des B-52 se retrouve sans communication et indétectable par les radars. Le gros problème est que l'URSS a mis au point une "machine infernale" qui déclenche automatiquement un holocauste nucléaire en cas d'attaque. Le Docteur Folamour, un ancien nazi propose alors une solution plus que particulière pour sauver l'humanité.

Le génie de Kubrick dans ce film se trouve dans la façon dont il traite la course aux armements mais aussi dans la stupidité de la hiérarchie militaire et l'incompétence des politiciens. Il montre aussi comment les criminels nazi furent réemployer à lutter contre l'ennemi lors de la guerre froide. 

29 octobre 2010

OPINIONS DU MOMENT (contribution de Michel Peyret - 28 octobre 2010)

Je viens d'être accroché par cette phrase d'un texte ancien de Antoine Artous « dialoguant » avec Jean-Marie Vincent après la mort de ce dernier:

« La thématique est celle, lancinante, du retard de la conscience politique et/ou de classe sur les conditions objectives qui, elles, sont mûres. »

Dans mes réflexions de ce jour, ce questionnement est bien présent.

Epuise-t-il les opinions que l'on peut formuler ce jour à propos de l'étape actuelle du mouvement en cours?

Ce serait certainement un peu court.

 

AMC VIENT DE ME DONNER SES REFLEXIONS

 

« Proposition d'éclaircissement:

La classe ouvrière reste mobilisée mais elle est émiettée, disséminée, son mouvement n'est pas unitaire. Et personne n'appelle à aller tous ensemble à l'Elysée, au parlement. Lieux saints intouchables. On respecte le pouvoir et les députés "qu'on a élus". C'est l'opinion des directions syndicales, de la gauche, sans doute de l'extrême gauche gagnée au parlementarisme, et de la plus grande partie des salariés. Aucun site du style de Wikileaks n'appelle à aller tous unis, à 200000...500000, là où d'autres peuples vont spontanément (Islande, Kirghistan, Ukraine, Roumanie...), sans pour autant que cela aboutisse forcément à autre autre qu'à faire tomber le pouvoir en place... mais ce serait déjà ça.

 

Avec les moyens de l'internet, rien de sérieux n'est proposé pour unir ce qui part dans tous les sens. Les plus "révolutionnaires" disent : grève reconductible, grève générale, grève illimitée..... Il faut pouvoir !!  La grève épuise, surtout quand elle n'est pas centralisée; elle le serait par qui ???   Par "les organisations de la classe ouvrière" comme certains disent encore...? Plaisanterie!

A Marseille, où c'est le souk, on ne voit pas de mouvement d'auto-organisation  par quartier, pour prendre en main la salubrité, le soutien financier aux grèves, l'acheminement des marchandises, la prise en mains de tous les problèmes; à Lyon, l'expression libertaire des jeunes me fait penser à la gauche prolétarienne des années 70: sympa mais....Je ne vois nulle part écrit (mais je n'ai peut-être pas vu) que les syndicats de Lyon ont livré les jeunes à la police le 21-10 et sont partis en "manif" en les abandonnant... aux CRS.

Le pouvoir a donc raison de spéculer sur la fermeté pour faire capoter la grève... et il a raison d'être cynique en ayant exprimé au parlement que l'alignement des retraites des députés sur le régime général, c'était "niet" , pas pour eux !!  Juste pour le troupeau, nous !!  Il y a une masse de gens hors d'eux, mais personne ne dit "Allons au parlement".

 

Il faut garder la tête froide et réfléchir.

Face à l'horreur de ce que nos gouvernements font dans le monde: guerres à outrance, destructions de territoires entiers,tortures, ventes d'armements, mensonges, travestissements, la gauche et l'extrême gauche ne font rien, et nous sommes passifs. Ces organisations ne sont même pas capables de monter un site du genre de Wikileaks ! C'est un individu, avec des amis qui le fait (mais voilà que son aura lui monte à la tête). C'est hallucinant. Oui, bien sûr, nous disons "on les connait, ils font la même chose que la droite". Mais encore ? 

 

Ce sont deux faits inédits, non prévus par Marx, ses amis et descendants, qu'il faut examiner:

 

-la gauche, l'extrême gauche (toute aussi productiviste que la gauche), les directions syndicales et le contenu même des syndicats, sont intégrées au système capitaliste; elles sont intégrés à l'Etat. Ce sont des institutions d'Etat  (un "fou" parlait des appareils idéologiques d'Etat il y a 30 ans, mais trop tôt et mal) qui jouent leurs partitions de désaccords obligés, d'unité partielle, de désunion, qui baratinent et nous font perdre notre temps et tout fil conducteur... Institutions de protection du système, de piliers du système. Sans elles, tout s'effondre. Je n'entre pas dans  le questionnement "quel rôle a joué l'URSS" dans cette affaire. Mais il faudra y venir.

Depuis quand cette intégration ??  Depuis probablement, qu'avec les guerres coloniales et surtout la dernière guerre mondiale, les bourgeoisies ont pu financer les "acquis sociaux", maintenir la paix sociale, acheter les peuples ( en les rendant xénophobes par la même occasion) grâce à l'immense complexe financier et industriel militaire  (complexe militaro-industriel") en tout premier lieu. Ce rôle de premier plan a été caché derrière le rideau, pour laisser causer sur la dite importance de la force du prolétariat et sur les rapports de classes en faveur de ce dernier. Pas faux, mais  avant tout,  La bourgeoisie pouvait financer en faisant semblant de ne pas pouvoir.... Il a été écrit par une économiste anglaise Joan Robinson que Keynes se retournerait dans sa tombe s'il avait pu prévoir cela. Toute sa théorie du capitalisme réformiste ne reposait finalement que sur ce complexe industriel... 

 

Aujourd'hui, la bourgeoisie financière pourrait toujours financer une sorte de réformisme,  elle en a les moyens (elle dit que non bien sûr via la dite "dette publique"), mais elle ne veut plus faire ce que faisait la bourgeoisie industrielle. Ce petit jeu a assez duré. Il serait de bonne guerre que le salariat, lui-même largement intégré,  soit mis au pain sec et se retourne par exemple.... contre les masses arabes ou musulmanes.... Depuis 2001, des efforts considérables sont faits en ce sens, c'est beaucoup plus intéressant. Si les uns mangeaient les autres, ce serait pas mal. Sauf que ceux qui dirigent ces masses arabes et musulmanes ne sont pas plus bêtes que nous. Ils n'ont pas l'intention de se laisser faire ni bien sûr d'émanciper les  masses populaires sous leur houlette, donc ils les dirigent à l'inverse de nous contre les occidentaux.  Et Israël dans cette histoire est une aubaine. 

Tandis que nous nous occupons à cela réciproquement, les grands de ce monde, des "deux camps", se goinfrent de pétrole, entre autres, et nous invitent à défendre leur festin.

Car au-delà de la retraite, que défendons nous  actuellement ? La révolution ?? Pas du tout, mais notre petit bout de festin: Le statu quo. Les traites pour la maison,  les voitures, nos pompes chéries de carburants, nos grandes surfaces, la grande industrie capitaliste, éventuellement le nationalisme à la Le Pen.... en somme le capitalisme.  Une minorité tente de décrire un "autre chose", une autre vie, une autre voie...

 

-L'autre fait inédit a été largement analysé, commenté, entre autres par Chomsky. Il s'agit du formatage largement réussi de nos cerveaux de salariés, par l'industrie  colossale dite "La fabrique de l'opinion publique". A ce formatage s'adjoignent les institutions de crédit et le système bancaire. Impossible de séparer les deux. Si le système bancaire n'avait pas été renfloué en 2009, malgré notre haine spontanée et saine des banques, qu'en serait-il du système de crédit ? Qu'en serait-il de nos traites ? De nos petits comptes en banque ? Et de notre traintrain ?

Pensons à l'Argentine de 2001. Pour qu'un formidable mouvement populaire se crée, il a fallu que l'Etat vole tous les comptes bancaires des citoyens. Mais l'Etat s'est reconstitué, en douceur, et il a repris la partie là où il l'avait laissé. Mais les masses populaires savent maintenant comment réagir si d'aventure cela recommençait....

 

Au total, faut-il espérer une centralisation du mouvement actuel contre le pouvoir ? Quels en seraient les agents ?? Pas une organisation ne souhaite cette centralisation ( et même pas le POI qui appelle à sa propre conférence de délégués en décembre (!) pour contrer le gouvernement....!!! Quand tout sera rentré dans l'ordre) et les grandes masses ne semblent pour l'instant pas prêtes à cela.  

Alors, question: comment détacher le peuple de tous les appareils d'Etat ? Comment leur apprendre le mépris du parlementarisme ? De la démocratie parlementaire ? Le mépris de la hiérarchie sociale ? Le mépris total du discours idéologique ? L'irrespect total des dirigeants de l'Etat qui sont des voyous ? La désignation des banques comme des parasites, des cloportes ? Comment leur réapprendre la solidarité à la base, la défense des droits les plus élémentaires au niveau du quartier, de la ville ? L'organisation à la base à tous moments ??

Ceci est en cours.  C'est un long apprentissage. Peut-être bientôt, ou un jour, cette organisation à la base imposera une centralisation par ses propres moyens, en banissant tous les appareils d'Etat. Travaillons y. »

AMC le 26-10-10

 

LA SUITE QUE JE VIENS DE DONNER

 

 

Pour vous faire plaisir en commençant, merci de noter que Marx ne parlait pas de classe ouvrière, en tout cas je n'ai pas encore trouvé, mais de prolétariat et de classe salariée.

 

Ici, ce jour, il y a un mouvement social et politique qui se situe dans la période post-fordiste, mais elle-même assez avancée, donc pour le mouvement, une certaine expérience concrète de ce post-fordisme. Et, justement, je me proposais d'en faire le thème de mes prochains papiers, il y a notamment la mythisation du travail qui s'ajoute aux autres fétichismes, dont celui de la marchandise....

 

Où en est le mouvement social?

Je reprends les choses d'assez loin, ce me semble nécessaire pour essayer de comprendre, le mouvement ne naît pas, et ne finit pas non plus, avec le mouvement actuel....

 

Le mouvement social, après les années d'endormissement mitterrandiennes, a repris l'offensive avec le référendum sur Maastricht, j'ai déjà écrit cela.

C'était en 92.

 

Le mouvement offensif s'est poursuivi sous différentes formes, ne pas oublier toutes les formes que peut prendre le mouvement, économiques, sociales, politiques, voire théoriques, comme vous le dites avec Althusser.

Mais il est d'autres personnages, voyez par exemple du côté de Jean-Marie Vincent, dommage qu'il se soit partagé entre trotskysme, NPA...

 

Donc, après 92, 95 puis 1997 et la "victoire de la gauche plurielle", puis la déception qui sanctionne fort en 2002, vous ne croyez pas que cette sanction était une forme de lutte, et même une forte forme de lutte!

 

Puis 2005 et le coup d'Etat contre la victoire du peuple! Parce que le peuple avait gagné! Et toutes les forces politiques lui volent la victoire! Oui, c'est l'intégration, c'est déjà l'intégration au système, même si des moyens sonnants et trébuchants peuvent aider le mouvement de l'économie et de la société lui-même à intégrer! Et ce ne sera ni la première, ni la dernière des fois, foi de voile intégral!

 

Dans le prolongement, c'est 2007 et la "gauche" détruit totalement les avancées du mouvement populaire de 2005, et c'est donc la victoire de Sarko, même si ce sont les mêmes capitalistes et leurs médias qui sont à l'origine des deux principales candidatures.

 

Mais le mouvement se ressaisit aux élections européennes de 2009: 60% pour le boycott!

Tout est fait pour minorer publiquement la signification et la portée des 60% du boycott, nouvelle forme de lutte, nouveau moyen de dire ce que l'on pense du système et de ses institutions, y compris donc européennes!

 

Car ces 60% là sont accompagnés des données d'une enquête SOFRESS: 72% des salariés considèrent le capitalisme comme négatif. Je ne sais trop s'il s'agit là de condamner le fordisme ou le post-fordisme, en tout cas c'est un précédent historique! Et personne n'est venu me contredire lorsque j'ai annoncé cela .

 

Et "rebelotte" à l'occasion des régionales de début 2010, même si leur caractère est quelque peu différent. En tout cas 54% de boycott!

 

Cela correspondait aussi à une montée des luttes, des luttes sur des sujets les plus divers, ce sont tous les aspects de la vie de la société qui sont concernés! Et donc ce qui vient, c'est la jonction de toutes ces luttes qui, ensemble, portent la nécessité du changement de société contre le capitalisme!

 

Aussi, avec ces résultats, venant après ceux de 2005, et même s'ils ont réussi alors à "noyer le poisson", l'inquiétude est très grande dans les principales forces politiques et dans les milieux économiques et financiers.

Ils sentent bien ce qui monte, et ce qui monte peut porter très loin, d'autant, il ne faut pas l'oublier, que la crise est là, qu'elle s'approfondit, et qu'on ne sait quand et où elle pourrait s'arrêter.

C'est même la panique, un symbole fort quand Soros demande un rendez-vous au plus fameux marxiste de Grande-Bretagne pour que, justement, il lui parle de Marx! On mesure où ils en sont!

La panique donc, mais on  n'y cède pas. La contre-offensive s'organise, se pense, il faut une grande mise en scène, quelque chose que l'on a jamais vu, même si on a eu Hitler et l'incendie du Reichstadt et Bush et les tours de New-York!

 

Donc une grande mise en scène, une provocation énorme, un piège immense au mouvement populaire, bien gros pour que ce soit crédible, et avec tous les acteurs nécessaires, on les connait bien, ils ont déjà donné!

Il faut donc choisir un sujet sensible, susceptible de mobiliser, de faire bouger en profondeur! Et il faut faire beaucoup bouger pour "tuer" cette nouvelle montée du mouvement populaire et préparer la nouvelle étape suivante: les élections présidentielles!

 

Les retraites sont donc le thème du piège choisi, on est sûr que cela va marcher, et cela marche! Cela marche même beaucoup! Et le mouvement populaire va se faire "balader"!

Je le pressens, mais je ne peux aller jusqu'au bout. J'ai dit des choses, y compris avec d'autres, y compris sur la nécessité de l'organisation indépendante, les comités de base! Et la nécessité de la démocratie directe.

 

Mais le mouvement n'est pas mûr pour cela, il a trop confiance, il ne voit pas le piège. Il y a encore des "rets", les dirigeants jouent à souhait le double jeu, ils avancent et ils retiennent, c'est du très grand art, ils peuvent tromper, et trompent encore beaucoup de monde, ils peuvent laisser penser que l'on est encore dans le fordisme, alors que le capital ne peut plus se permettre "les cadeaux" qu'il octroyait alors!

 

On ne peut encore tirer les conclusions, certes  beaucoup de militants ont senti le double jeu, deviné le piège, sans tout piger nécessairement.

Je crois que la rogne, sinon la colère, vont être grande, mais c'était aussi l'objectif, Sarko et DSK, dans l'immédiat, chacun y trouve son compte.

Tout de suite, on ne peut tout dire, le risque d'être incompris est réel.

L'idée essentielle: l'organisation, les comités..

J'ai quand-même une certitude: il faudra un peu de temps au mouvement pour digérer mais il retrouvera vite ses couleurs, un mouvement qui vient de si loin ne peut s'arrêter ainsi.

26 octobre 2010

Jann-Marc Rouillan conjugue son histoire à l’infinitif présent

Les éditions La Différence viennent de publier un nouveau livre de Jann-Marc Rouillan, Infinitif présent. Le militant révolutionnaire, toujours détenu à Muret, revient sur une période qui couvre l’après 68 jusqu’à la fin des années 80. Le récit se termine sur la douloureuse agonie de Joëlle Aubron, militante d’Action Directe décédée en 2006 des suites d’un cancer développé en prison.

Dans un courrier daté du 11 septembre 2010, Jean-Marc Rouillan m’annonçait la sortie imminente d’Infinitif présent. « Un livre écrit voilà quatre ans (peut-être +) quand j’étais à Lannemezan et qui est une chronique des dernières discussions avec Joëlle. » En réalité, l’ouvrage couvre une période bien plus large. La longue chronique, écrite en un seul chapitre de 311 pages, est alimentée par les souvenirs glanés au cours d’un terrible périple carcéral. Fresnes, Fleury-Mérogis, Lannemezan, Saint-Maur, Marseille, Lyon, Moulin… Rouillan a connu bien des murs depuis son arrestation à Vitry-aux-Loges, le 21 février 1987, en compagnie de Nathalie Ménigon, de Joëlle Aubron et de Georges Cipriani, militant-e-s d’Action Directe (AD).

Ce sont des photos conservées dans un album ou punaisées dans sa cellule qui déclenchent des voyages dans le temps. On y découvre des images du pays du dedans, mais aussi des souvenirs de la vie clandestine, des planques, des actions qui peuvent remonter jusqu’aux chaudes heures du Mouvement ibérique de libération (MIL), au temps de la lutte anti-franquiste avec Salvador Puig Antich, le dernier militant garrotté par Franco en 1974. Le jeune Rouillan a été nourri par les récits des vieux militants anarchistes et communistes. Il se souvient par exemple d’un maçon rescapé de bien des batailles qui se fit végétarien pour tenter d’échapper à l’odeur de la chair humaine carbonisée.

L’histoire espagnole est tatouée sur la mémoire de Rouillan depuis avant même sa naissance, en 1952. Une photo prise au camp de concentration de Gurs, non loin de Lannemezan, est épinglée sur son tableau d’affichage réglementaire. Gurs a été ouvert en avril 1939 pour parquer les vaincus de la révolution espagnole. Combattants républicains, Basques, volontaires des Brigades internationales y ont été entassés par milliers. Des résistants, des juifs et des gitans prendront leur place par la suite…

La bande son du livre mélange Léo Ferré, John Lennon, François Béranger, Jefferson Airplaine, The Who… Des refrains accompagnent un kaléidoscope d’événements. « Il suffit d’un mot, d’une odeur, et la mécanique se met en route. Dans le plus flagrant désordre. » On pense au célèbre poème de Georges Pérec,Je me souviens. Rouillan fait aussi un clin d’œil à Henry Miller dans Souvenirs, souvenirs. Sans oublier La Chanson du mal aimé, de Guillaume Apollinaire : «Mon beau navire ô ma mémoire / Avons-nous assez navigué / Dans une onde mauvaise à boire… »

La vie dans le pays du dedans est ponctuée de brimades, de mauvais traitements, de transferts arbitraires, de fouilles à répétition, d’angoisses… Autour de Rouillan, on voit tout ce que la France compte de rebelles : militants d’AD, Corses, Basques, Bretons (dont un curé du FLB qui planquait de l’explosif dans son église)…, mais aussi espions de l’Est, « vedettes » des faits divers qui font les choux gras des médias et même un ami de Charles Pasqua qui est tombé pour une histoire de fausses factures. Très mal en point, le vieux méditait sur les supposées prisons quatre étoiles montrées du doigt par Le Figaro. Mais on ne tire pas sur un corbillard. « Vous êtes très gentil », dit-il à Rouillan sur le ton de la gratitude et du désespoir. Réponse : « Et pourquoi en serait-il autrement ? » « J’étais incapable d’être méchant avec ce type jeté à mes pieds dans ce monde sans pitié. Si je suis dur au combat, je n’ai pas la fibre tortionnaire », explique le « terroriste ».

Parfois, les images entraînent Jann-Marc loin des miradors. Il replonge alors dans les plis et les replis de l’action militante, les braquages de banque, les attentats au ministère du Travail, au secrétariat à la main-d’œuvre étrangère, au siège de la Sonacotra… On croise dans ces paragraphes pas mal de militant-e-s de la Fraction armée rouge (RAF) allemande et des groupes armés italiens. La création d’un front anti-impérialiste européen était dans l’air. Certaines phrases ont des trous. S’il y a prescription en France, l’Allemagne, vingt ans après, semble vouloir ouvrir les vieilles plaies et traque toujours certains militant-e-s.

Infinitif présent nous offre des pages intéressantes sur la clandestinité. Rouillan va contrarier l’histoire officielle écrite par les politiciens, les flics et les journalistes aux ordres. En prime, il a le talent de mêler le sérieux au comique comme ce match de foot AD contre RAF dans un pré, comme ces soirées télé pour regarder les films de Jean Rouch (Cocorico, monsieur Poulet !...) sur Arte, comme ces rencontres fortuites avec Roland Barthes dans l’escalier d’une planque. « Vous n’êtes pas bruyants pour des jeunes », leur dit-il. Imaginer Rouillan, porteur d’un sac rempli d’armes, parler de Fragments d’un discours amoureux avec son auteur ne manque pas de piquant ! Disant cela, on imagine que les planques d’Action Directe ne se trouvaient pas toutes en banlieue. Intellectuels et artistes accueillaient parfois les hors-la-loi. Il est question d’une journaliste qui véhicula les militants dans Paris juste avant d’aller manger chez François Mitterrand, rue de Bièvre. C’est grâce à ce genre de porosité que les militants apprirent par ailleurs que Mitterrand avait missionné les services secrets pour les liquider en Belgique. Ceci dit, que les tenants de l’ordre se rassurent, la plupart de ces bobos intellos sont vite redevenus serviles. Certains sont bien placés dans les médias, les affaires et la politique. « Aucun d’eux n’a signé la pétition pour notre libération », précise Rouillan. L’un des plus imminents pétitionnaires de Saint-Germain-des-Prés a même vertement rembarré une dirigeante du Parti communiste qui le sollicitait.

Bien équipés en scanners et autres appareils d’écoute pour suivre les déplacements de la police, les militant-e-s d’Action Directe ont longtemps joué au chat et à la souris. Ce fut le cas lors d’une réunion du printemps 1983 à Gentilly. Il y avait des Français, des Italiens et le contact d’une organisation de guérilla sud-africaine. En projet, l’attaque d’une usine d’armement qui, malgré l’embargo, fabriquait des blindés pour le régime de l’apartheid. Bravo le gouvernement « socialiste ». Grâce au contrôle des ondes radio de la police, Nathalie Ménigon pu détecter à temps une filature qui se dirigeait droit sur eux.

Parfois, c’est de leur balcon que les militants observaient leurs cibles. En juillet 1979, la planque se situe à l’Haÿ-les-Roses. Leur voisin, ingénieur général de l’armement, numéro deux de la principale usine de missiles militaires, a son jardin sous leurs fenêtres. « Il me fait penser à Landru taillant ses rosiers. On lui donnerait le bon Dieu sans confession », lâche Rouillan à sa compagne. Coïncidence, le 20 heures parle d’une guerre lointaine où les missiles français font des merveilles avec une précision « chirurgicale ». En fait, de la boucherie industrielle. « Vous qui vous cachez derrière des bureaux / Je veux simplement vous faire savoir / que je vois à travers vos masques », chante Bob Dylan dansMasters of war. « Les génocidaires de notre temps sont les héros « innocents et généreux » des grandes sagas industrielles et politiques », constate Rouillan.

C’est Joëlle Aubron, alias Belette, qui occupe l’essentiel des dernières pages. Joëlle, touchée par un cancer au cerveau, a obtenu une suspension de peine pour raison médicale, selon ce que prévoit la loi Kouchner. Manière de dire « Va crever ailleurs, on t’a assez vue traîner ici. » Accueillie par des poings levés, par des drapeaux rouges ou rouge et noir, elle est sortie du centre de détention de Bapaume le 16 juin 2004. Rouillan suit l’agonie de son amie au téléphone. Entre maux de tête foudroyants et hautes doses de morphine, la conversation est difficile. Le 1er mars 2006, Jean-Marc apprend la nouvelle sur LCI. « La prison est étrangement silencieuse. Dans le couloir, près des cabines, une quinzaine de prisonniers attendent en chuchotant. A mon arrivée près d’eux, ils me serrent les mains. Certains profèrent des mots vengeurs contre les juges et le pouvoir. Eux savent que notre détention fut une véritable entreprise de destruction… »

Au fait, pendant que nous y sommes, rappelons que Jean-Marc Rouillan, le roi des baluchonnés, est toujours en prison à Muret alors qu’il est atteint du syndrome de Chester-Erdheim et qu’il a terminé sa peine de sûreté en 2005. Début octobre, il a fêté « l’anniversaire » de sa réincarcération suite à un entretien publié par un hebdomadaire. « 2 ans ! 2 ans ! et ils n’ont pas examiné une fois mon dossier ! 2 ans pour une interview… Si dans les années 70 ou 80 on m’avait dit que je ferais 2 ans pour mes écrits, je n’y aurais pas cru… On voit à quelle vitesse le pays plonge dans la réaction », m’écrivait encore le militant écrivain.

Assez d’acharnement. Liberté immédiate pour Jean-Marc Rouillan et pour son double Jann-Marc !

Jann-Marc Rouillan, Infinitif présent, éditions de La Différence, 311 pages, Couverture signée Dado. 18€.

Pour écrire à Jean-Marc Rouillan : # 9590 B139 Centre de détention de Muret route de Seysses 31600 Muret.

Plus d’infos (textes, collages, photos, poèmes) sur Joëlle Aubron en allant sur :

- le blog linter.

- le blog Action Directe.

(illustration : hommage à Joëlle Aubron au mur des Fédérés)

PACO sur Le Post.fr


De : PACO (publié sur Bella Ciao)

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