Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Revolt-United
Newsletter
Publicité
Revolt-United
Archives
Revolt-United
22 août 2010

Textes de Nestor Makhno

NOTRE ORGANISATION

 

L'époque que traverse actuellement la classe laborieuse mondiale exige une tension maximale de la pensée et de l'énergie des anarchistes révolutionnaires pour éclaircir les questions les plus importantes. 

Nos camarades qui ont joué un rôle actif au cours de la révolution russe et qui sont restés fidèles à leur convictions savent de quelle manière funeste c'est fait sentir, dans notre mouvement, l'absence d'une solide organisation. Ces camarades sont bien placés pour être particulièrement utile à l'oeuvre d'union actuellement entreprise. Il n'a pas échappé à ces camarades, je le suppose, que l'anarchisme a été un facteur d'insurrection parmi les masses laborieuses révolutionnaires en Russie et en Ukraine; il les a incitées partout à la lutte. Cependant, l'absence d'une grande organisation spécifique, capable d'opposer ses forces vives aux ennemis de la révolution, l'a rendu impuissant à assumer un rôle organisationnel. L'oeuvre libertaire dans la révolution en a subi de lourdes conséquences. 

S'ils prennent conscience de cette carence, les anarchistes russes et ukrainiens ne doivent pas laisser se renouveler ce phénomène. La leçon du passé est trop pénible et, en la retenant, ils doivent, les premier, donner l'exemple de la cohésion de leurs forces. Comment? En créant une organisation qui puisse accomplir les tâche de l'anarchisme, non seulement lors de la préparation de la révolution sociale, mais également à ses lendemains. Une telle organisation doit unir toutes les forces révolutionnaires de l'anarchisme et s'occuper sans hésitation de la préparation des masses à la révolution sociale et à la lutte pour la réalisation de la société anarchiste. 

Bien que la majorité d'entre nous conçoivent la nécessité d'une telle organisation, il est regrettable de constater qu'il y en ait un petit nombre pour s'en préoccuper avec le sérieux et la constance indispensables. 

En ce moment, les événement se précipitent dans toute l'Europe, y compris en Russie, emprisonnée dans les filets pan-bolchéviques. Le jour n'est pas loin où il nous faudra être des participants actifs à ces événements. Si nous nous présentons encore une fois sans s'être organisés au préalable de la manière adéquate, nous serons encore impuissants à empêcher que ces événements n'évoluent pas dans le tourbillon des systèmes étatiques. 

L'anarchisme prend concrètement vie partout où naît la vie humaine. Par contre, il ne devient compréhensible pour tout un chacun uniquement là où existent les propagandistes et les militants qui ont rompu sincèrement et entièrement avec la psychologie de soumission de notre époque, ce qui leur vaut d'être d'ailleurs férocement persécutés. Ces militants aspirent à servir leurs convictions avec désintéressement, sans crainte de découvrir dans leur processus de développement des aspect inconnus, afin de les assimiler au fur et à mesure, si besoin est, et oeuvrent ainsi au triomphe de l'esprit de soumission. 

Deux thèses découlent de ce qui est énoncé si dessus: 
- la première, c'est que l'anarchisme connaît des expressions et manifestions diverses, tout en conservant une parfaite intégrité dans son essence. 
- la seconde, c'est qu'il est révolutionnaire naturellement et ne peut adopter des méthodes révolutionnaires de lutte contre ces ennemis. 

Au cours de son combat révolutionnaire, l'anarchisme non seulement renverse les gouvernements et supprime leurs lois, mais s'en prend également à la société qui leur donne naissance, à ses valeurs, ses moeurs et à sa "morale", ce qui lui vaut d'être de mieux en mieux compris et assimilé par la partie opprimée de l'humanité. 

Tout cela nous amène à être persuadé que l'anarchisme ne peut plus rester enfermé dans les limites étriquées d'une pensée marginale et renvendiquée uniquement par quelques groupuscules aux actions isolées. Son influence naturelle sur la mentalité des groupes humains en lutte est plus qu'évidente. Pour que cette influence soit assimilée de façon consciente, il doit désormais se munir de moyens nouveau et emprunter dès maintenant la voie de pratiques sociales.


Diélo trouda
n°4, septembre 1925,


SUR LA DISCIPLINE REVOLUTIONNAIRE

 

Des camarades m'ont posé la question suivante: comment est-ce que je conçois la discipline révolutionnaire ? Je vais y répondre. 

Je comprends la discipline révolutionnaire comme une autodiscipline de l'individu, instaurée dans un collectif agissant, d'une façon égale pour tous, et strictement élaborée. 

Elle doit être la ligne de conduite responsable des membres de ce collectif , menant à un accord strict entre sa pratique et sa théorie. 

Sans discipline dans l'organisation, il est impossible d'entreprendre quelque action révolutionnaire sérieuse que ce soit. Sans discipline, l'avant garde révolutionnaire ne peut exister, car alors elle se trouverait en complète désunion pratique et serait incapable de formuler les tâches du moment, de remplir le rôle d'initiateur qu'attendent d'elle les masses. 

Je fais reposer cette question sur l'observation et l'expérience d'une pratique révolutionnaire conséquente. Pour ma part, je me fonde sur l'expérience de la révolution russe, qui a porté en elle un contenu typiquement libertaire à beaucoup d'égards. 

Si les anarchistes avaient été étroitement liés sur le plan organisationnel et avaient observé, dans leurs actions une discipline bien déterminée, ils n'auraient jamais subi une telle défaite. Mais, parce que les anarchistes "de tout bord et de toutes tendances" ne représentaient pas, même dans leurs groupes spécifiques, un collectif homogène ayant une discipline d'action bien définie, pour cette raison ces anarchistes ne purent supporter l'examen politique et stratégique que leur imposèrent les circonstances révolutionnaires. La désorganisation les amena à une impuissance politique, les divisant en deux catégories: la première fut ceux qui se lancèrent dans l'occupation systématiques de maisons bourgeoises, dans lesquelles ils se logaient et vivaient pour leur bien-être. C'était les même que ceux que j'appellerais les "touristes", les divers anarchistes qui vont de villes en villes, dans l'espoir de trouver en route un endroit pour y demeurer quelques temps , paressant et y restant le plus longtemps possible pour vivre dans le confort et le bon plaisir. 

L'autre catégorie se composa de ceux qui ont rompu tous les liens honnêtes avec l'anarchisme (bien que certain d'entre eux, en URSS, se fassent passer maintenant pour les seuls représentants de l'anarchisme révolutionnaire) et se sont jetés sur les responsabilités offertes par les bolcheviks, même lorsque le pouvoir fusillait les anarchistes restés fidèles à leur poste de révolutionnaires en dénonçant la trahison des bolcheviks. 

Etant donné ces faits, on peut comprendre aisément pourquoi je ne peux rester indifférent à l'état d'insouciance et de négligence qui existe actuellement dans nos milieux. 

D'une part, cela empêche la création d'un collectif libertaire cohérent, qui permettrait aux anarchiste d'occuper la place qui leur revient dans la révolution, et d'autre part, cela permet de se contenter de belles phrases et de grandes pensées, tout en se dérobant au moment de passer à l'action. 

Voilà pourquoi je parle d'une organisation libertaire reposant sur le principe d'une discipline fraternelle. Une telle organisation amènerait à l'entente indispensable de toutes les forces vives de l'anarchisme révolutionnaire et l'aiderait à occuper sa place dans la lutte du Travail contre le Capital. 

Par ce moyen, les idées libertaires ne peuvent que gagner les masses, et non s'appauvrir. Il n'y a que des bavards creux et irresponsables qui peuvent fuir devant une telle structuration organisationelle. 

La responsabilité et la discipline organisationnelles ne doivent pas effrayer: elles sont les compagnes de routes de la pratique de l'anarchisme social.


Diélo trouda
n°7-8, décembre 1925-janvier 1926


SUR LA DEFENSE DE LA REVOLUTION

 

Dans le cadre de la discussion qui a eu lieu parmi nos camarades de nombreux pays au sujet du projet de Plate Forme de l'Union générale des anarchistes, publié par le groupe des anarchistes russes à l'étranger, on me demande de plusieurs côtés de consacrer un article spécifique à la question de la défense de la révolution. Je vais m'efforcer de la traiter avec la plus grande attention, mais auparavant j'estime de mon devoir de préciser aux camarades que cette question n'est pas le point central du projet de Plate Forme; la partie essentielle de celui-ci réside en la nécessité d'unir nos rang communistes libertaires de la manière la plus conséquente. Cette partie ne demande qu'a être amendée et complétée avant d'être mise en application. Sinon, si nous n'oeuvrons pas pour grouper nos forces, notre mouvement sera condamné à tomber définitivement sous l'influence des libéraux et des opportunistes qui navigent dans notre milieu, quand ce ne sera pas de spéculateur et aventuriers politiques quelconques, pouvant au mieux bavarder longuement mais incapables de lutter sur le terrain pour la réalisation de nos grands objectifs. Celle-ci ne pourra avoir lieu qu'en entraînant avec nous tous ceux qui croient instinctivement à la justesse de notre lutte et qui aspirent à conquérir par la révolution la liberté et l'indépendance les plus complètes afin d'édifier une vie et une société nouvelles, là où chacun pourra enfin affirmer sans entraves sa volonté créatrice pour le bien général. 

En ce qui concerne la question particulière de la défense de la révolution, je m'appuierai sur l'expérience que j'ai vécue durant la révolution russe en Ukraine, au cour de la lutte inégale, mais décisive menée par le mouvement révolutionnaire des travailleurs ukrainiens. Cette expérience m'enseigne, en premier lieu, que la défense de la révolution est lièe directement à son offensive contre la contre-révolution; en second lieu, sa croissance et son intensité sont toujours conditionnées par la résistance des contre-révolutionnaires; en troisième lieu, ce qui découle de ce qui vient d'être énoncé: à savoir que les actions révolutionnaires dépendent intimement du contenu politique, de la structuration et des méthodes organisationnelles employés par les détachements révolutionnaires armés, qui ont à affronter sur un grand front des armées conventionnelles contre-révolutionnaire. 

Dans sa lutte contre ses ennemis, la révolution russe à d'abord commencé par organiser, sous la direction des bolcheviks, des détachements de gardes rouges. On s'aperçut très vite que ceux-ci ne supportaient pas la pression des forces ennemies, en l'occurrence des corps expéditionnaires allemands, autrichiens et hongrois, pour la simple raison qu'il agissaient la plupart du temps sans aucune orientation opérationnelle générale. C'est pourquoi les bolchevik recoururent à l'organisation de l'Armée rouge au printemps 1918. 

C'est alors que nous avons lancé le mot d'ordre de l'organisation de "bataillons libres" de travailleurs ukrainiens. Il apparut rapidement que cette organisation &tait impuissante à se défaire de provocations internes de toutes sortes, du fait qu'elle intégrait sans aucune vérification suffisante, tant politique que sociale, tous les volontaires désirant uniquement se battre les armes à la main. C'est ainsi que les unités armées mises sur pied par cette organisation furent traitreusement livrées à l'ennemi, circonstance qui l'empêcha de remplir jusqu'au bout son rôle historique dans la lutte contre la contre-révolution étrangère. 

Toutefois devant ce premier échec de l'organisation de "bataillons libres" - qu'on pourrait qualifier d'unités combattantes pour la défense immédiate de la révolution-, nous n'avons pas perdu la tête. L'organisation fut quelque peu modifiée dans sa forme: les bataillons furent complété par des détachements de partisans, de type mixte, c'est à dire comprenant de la cavalerie et de l'infanterie. Ces détachements eurent pour tâche d'agir à l'arrière profond de l'ennemi. Cette organisation fit ses preuves lors des actions contre les corps expéditionnaires austro-allemands et les bandes de l'Hetman Skoropadsky, leur allié, durant la fin de l'été et l'automne 1918. 

Se tenant à cette forme de défense de la révolution, les travailleurs ukrainiens purent arracher, des mains contre-révolutionnaires, le noeud coulant qu'elles avaient jeté sur la révolution en ukraine. De plus, ne se contentant pas de défendre la révolution, ils l'approfondirent le plus possible(remarque: à ce moment là, les bolcheviks ne disposaient d'aucune forces militaires en Ukraine) leur premières unités combattantes n'arrivèrent de Russie que bien plus tard; elles occupèrent aussitôt un front parallèle au notre, s'efforçant en apparence de s'unir aux travailleurs ukrainiens, organisés de manière autonome et surtout sans leur contrôle étatique, mais en fait elles s'occupèrent sournoisement de leur décomposition et de leur disparition à leur profit. Pour atteindre leur but, les bolcheviks ne dédaignèrent aucun moyen, allant jusqu'au sabotage direct du soutien qu'ils s'étaient engagés à fournir sous forme de munitions et d'obus; cela au moment même où nous développions sur tout notre front une grande offensive dont le succès dépendait surtout de la puissance de tir de notre artillerie et de nos mitrailleuses, alors que nous avions justement une grande pénurie de munitions). 

Au fur et à mesure que la contre-révolution intérieure se développa dans le pays, elle reçut l'aide d'autres pays, non seulement en armement et en munitions mais aussi en soldats. Malgré cela, notre organisation de la défense de la révolution crût également de son côté et adopta simultanément, en fonction des besoins, une nouvelle forme et des moyens plus appropriés pour sa lutte. 

On sait que le front contre-révolutionnaire le plus dangereux de l'époque fut constitué par l'armée du général Dénikine; pourtant, le mouvement insurrectionnel lui tint tête pendant cinq à six mois. Bon nombre des meilleurs commandants dénikiens se rompirent le cou en affrontant nos unités équipées uniquement d'armes prises à l'ennemi. Notre organisation y contribua grandement: sans empiéter sur l'autonomie dans unités combattantes, elles les réorganisa en régiment et brigades, coordonnés par un Etat-major opérationnel commun. Il est vrai que la création de celui-ci n'eu lieu que grâce à la prise de conscience par les masses laborieuses révolutionnaires, combattant tant sur le front face à l'ennemi qu'a son arrière, de la nécessité d'un commandement militaire unique. en outre, toujours sous l'influence de notre groupe communiste libertaire paysan de Gouliaï-Polié, les travailleurs se préoccupèrent aussi de la détermination de droits égaux pour chaque individu à participer à la nouvelle édification sociale, dans tous les domaines y compris l'obligation de défendre ces conquêtes. 

Ainsi, tandis que le front dénikien menaçait de mort la révolution libertaire, perçue avec un vif intérêt par la population, les travailleurs révolutionnaires se groupaient sur base de notre conception organisationnelle de la défense de la révolution, la faisant leur et renforçaient l'armée insurrectionnelle par l'afflux régulier de combattant frais, relevant ceux qui étaient blessés ou fatigués. 

Par ailleurs, les exigences pratique de la lutte entraînement au sein de notre mouvement la création d'un état major opérationnel et organisationnel de contrôle commun pour toutes les unités combattantes. 

C'est à la suite de cette pratique que je ne puis accepter la pensée que les anarchistes révolutionnaires refusent la nécessité d'un tel Etat-Major pour orienté stratégiquement la lutte révolutionnaire armée. Je suis convaincu que tout anarchiste révolutionnaire qui se retrouverait dans des conditions identiques à celles que j'ai connues durant la guerre civile en Ukraine, sera obligatoirement amené à agir comme nous l'avons fait. Si, au cours de la prochaine révolution sociale authentique, il se trouve des anarchistes pour nier ces principes organisationnels, ce ne seront au sein de notre mouvement de vains bavards ou bien encore des éléments freinateurs et nocifs, qui ne tarderont pas à en être rejetés. 

En s'attaquant à la résolution de la question de la défense de la révolution, les anarchistes doivent immanquablement se recommander du caractère social du communisme libertaire. Face à un mouvement révolutionnaire de masse, nous devons reconnaître la nécessité de l'organiser et de lui donner des moyens dignes de lui, puis nous y engager entièrement. Dans le cas contraire, si nous apparaissons comme des rêveurs et des utopistes, alors nous ne devons pas gêner la lutte des travailleurs, en particulier ceux qui suivent les socialistes étatistes. Sans aucun doute l'anarchisme est et reste un mouvement social révolutionnaire, c'est pourquoi je suis et serai toujours partisan de son organisation bien structurée et pour la création, au moment de la révolution, de bataillons, régiments brigades et divisions, tendant à se fondre, à certains moments, en une armée commune, sous un commandement régional unique, sous la forme d'Etats-majors organisationnels de contrôle. Ceux-ci auront pour tâche, selon les nécessités et les conditions de la lutte, d'élaborer un plan opérationnel fédératif, coordonnant les actions des armées régionales, afin d'achever avec succès les combats mené sur tous les fronts contre la contre-révolution armée. 

L'affaire de la défense de la révolution n'est pas choses facile; elle peut exiger des masses révolutionnaires une très grande tension organisationnelle. Les anarchistes doivent le savoir et se tenir prêts à les aider dans cette tâche. 



Dielo trouda,
 n°25, juin 1927

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité